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La guerre des Programmes, 1975-2005

Documents rassemblés par S. Cospérec

Bac : la philo saque trop © Libération 2001

Par EMMANUEL DAVIDENKOFF

article paru dans Libération du 27 juin 2001  (©)

 

La matière cumule les mauvaises notes, selon un document interne de l'Éducation que révèle "Libération". 

 La philosophie est bel et bien l'épreuve la moins bien notée au baccalauréat. C'est ce que montre une note interne de l'Inspection générale de l'Éducation nationale (Igen) datée du 10 mars 2001 et portant sur "les notes de philosophie au baccalauréat 2000" que Libération s'est procurée.  

Le document affirme d'abord que "si l'on con-sidère l'ensemble des disciplines, on constate un écart pouvant aller jusqu'à plus de cinq points au désavantage de la philosophie". Pavé dans la mare d'un précédent rapport de l'Inspection générale de philosophie, qui s'en tenait à l'analyse de disciplines comparables, telles que le français. Il concluait à un écart "d'un point en moyenne". Commentaire de l'auteur de la note: "Il n'y a aucune raison de limiter la comparaison aux disciplines jugées proches: l'homogénéité de notation entre les diverses épreuves est un élément essentiel de la validité d'un examen."  

"Trompeuse". Dans toutes les séries, l'écart maximal sépare la philosophie et l'éducation physique et sportive (de 3,7 à 5 points de diffé-rence). Au bac S (scientifique), la philosophie donne 1,6 point de moins que l'histoire-géographie, 1,93 de moins que la langue vivante, 2,26 de moins en physique-chimie et 2,47 en dessous des sciences de la vie et de la terre. Mais la prise en considération des seules moyennes est "trompeuse". La note de l'Igen souligne en effet que sept à huit candidats sur dix, toutes séries confondues, "ne réussissent pas à obtenir une note supérieure à 10 en philosophie". Même dans la série L (lettres) dont la moyenne est proche, ils sont 10 % de plus à obtenir la moyenne. Ils sont 18,65 % de plus pour la langue vivante 1. En ES (économique et social), l'histoire-géographie, la langue vivante 1 et les sciences économiques et sociales donnent la moyenne à 23 % de candidats en plus. En S, toutes les disciplines, excepté le français, donnent la moyenne à 20 % de candidats supplémentaires.  

L'argument, selon lequel les moyennes de philosophie ne sont pas significativement infé-rieures à celles des autres disciplines, martelé pendant des années par l'Éducation nationale, n'était donc pas faux mais tronqué. Il omettait également de préciser que la philosophie détient la palme des notes comprises entre 0 et 6, attribuées à 26,23 % des candidats en S, à 26,01 % en ES et à 19,81 % en L. Seules les mathématiques sont plus sévères en L et en ES. Dans toutes les autres séries et autres disciplines, les candidats sont environ deux fois moins nombreux à obtenir de 0 à 6.  

Nulle mise en cause des enseignants dans ces documents qui soulignent même une exi-gence de qualité "qui force le respect". Les "pratiques de notation" elles-mêmes ne sont pas critiquées.  

Inadéquation.
La faute reviendrait "à une inadéquation grave des capacités des candidats et de l'enseignement qu'ils reçoivent aux épreuves du baccalauréat dans leur définition actuelle". C'est justement ce décalage que voulait résoudre le ministère en instaurant de nouveaux programmes. Les professeurs de philosophie les ont massivement rejetés.