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Journées d’étude 9 et 10 novembre 2023 : Que peut la philosophie en séries technologiques ?

vendredi 15 septembre 2023, par Acireph

Lycée d’État Jean Zay - 10 Rue du Dr Blanche, 75016 Paris

Nombre de collègues enseignant la philosophie dans les classes les plus difficiles de la voie technologique (STMG ou STI2D notamment) expriment souvent leur désarroi et leur dénuement face à l’attitude des élèves, dont beaucoup ont subi cette orientation du fait de leurs mauvais résultats en classe de seconde et rencontrent des difficultés notamment dans la production de textes écrits longs et construits. On observe ainsi une détresse assez largement répandue, dont la traduction peut prendre plusieurs formes : de la recherche fébrile de « recettes » à même de susciter l’intérêt et l’attention de ces élèves, à un discours critique à l’égard de l’utilité même d’un enseignement de philosophie dans ces classes, en passant par des postures plus ou moins sourdement démissionnaires, où l’on préfère oublier ces heures pénibles, s’y consacrer le moins possible, et trouver un sens à son métier ailleurs, dans des classes plus « réceptives ».

Certes toutes les classes et toutes les séries ne se ressemblent pas. Les STMG ou les STI2D passent ainsi pour les classes les plus difficiles quand les ST2S ont meilleure réputation. L’enseignement technologique est hétérogène et cette hétérogénéité complique d’autant plus la formulation d’un diagnostic pertinent. Face aux difficultés importantes dont témoigne tel⋅le ou tel⋅le collègue, il est toujours possible d’opposer tel⋅le ou tel⋅le autre qui, enseignant dans un autre établissement, auprès d’autres élèves, dans une autre série, au moyen d’autres dispositifs pédagogiques ne rencontre pas ces mêmes difficultés.

Pourtant, le fait est là. Une charge d’enseignement dans la voie technologique est souvent perçue comme un fardeau et n’est pas envisagée sans appréhension. Elle représente en moyenne un tiers de nos élèves et 20 % de nos services, donc également des postes offerts aux concours. Mais le partage des « technos » semble peu obéir à des règles d’équité, et il n’est pas rare d’observer des collègues en poste fixe donner ces classes aux TZR, contractuels voire stagiaires de passage.

Le constat n’est pas nouveau. Le rapport Derrida-Bouveresse, mettait déjà en évidence une situation inacceptable en 1989. L’Inspection générale, dans son rapport sur l’état de l’enseignement de la philosophie en 2007-2008, écrivait encore : « il faut bien le reconnaître, une masse assez importante d’élèves, surtout dans certaines séries, manifeste une indifférence totale et sans nuances à l’aspect libérateur de la philosophie, et considère, à tous égards, qu’elle perd son temps en classe de philosophie ». Les élèves de la voie technologique « ne satisfont pas pour beaucoup aux critères scolaires admis ». S’agit-il de leur apprendre à disserter ? « Quel que soit le dévouement des enseignants (et il est grand !), il est pratiquement impossible d’obtenir des élèves un travail véritable, et surtout un travail qui ressemble à une dissertation, en particulier en STI ». Les professeurs y connaissent « des conditions de travail extrêmement difficiles », et « le refus de considérer la spécificité de ces séries entretient le sentiment d’un enseignement inattentif aux élèves et donne une image dissuasive de la philosophie ».

Comment les choses ont-elles changé depuis ? A-t-on vu fleurir, chaque année et dans toutes les académies, des formations spécifiquement consacrées à l’enseignement de la philosophie pour les classes de la voie technologique ? Le Ministère a-t-il jugé bon de consacrer une épreuve du CAPES et de l’agrégation aux dispositifs pédagogiques idoines en STMG ? Les collègues qui débutent sont-ils aujourd’hui mieux armés qu’hier pour enseigner une philosophie vivante et utile à la formation intellectuelle des élèves de la voie technologique ? Les programmes et l’épreuve du baccalauréat ont-ils évolué pour « considérer la spécificité de ces séries » ? Non. En dehors de quelques exceptions, comme la modification du sujet d’explication de texte – dont un bilan resterait à faire –, l’institution persiste dans son refus de prendre à bras le corps les difficultés propres aux classes de la voie technologique.

De fait, tout conspire pour faire de la philosophie dans la voie technologique un enseignement accessoire et dénué d’enjeu : faiblesse de l’horaire (2 heures par semaine), faiblesse du coefficient de l’épreuve terminale (4%), heures en classe dédoublée assurées dans une minorité d’établissements, difficultés méthodologiques des épreuves du baccalauréat, mauvaise intégration avec les équipes des disciplines technologiques, absence de projet d’établissement favorisant la philosophie dans ces filières…

Face à ce constat, il est urgent de reprendre à nouveaux frais la réflexion sur l’enseignement de la philosophie dans les séries technologiques. L’ACIREPh est constitutivement engagée en faveur de la démocratisation de l’enseignement de la philosophie. Elle a historiquement défendu et défend l’importance de cet enseignement dans la voie technologique (introduit en 1973), et professionnelle (où il n’a jamais été obligatoire). Mais la démocratisation de l’enseignement de la philosophie ne doit pas s’en tenir à des slogans ou à la promotion de pratiques innovantes, originales, à même d’enrôler des élèves éloignés de la culture scolaire postulée par les programmes. Elle appelle la formulation d’un diagnostic lucide sur l’état et les difficultés de cet enseignement. Elle appelle plus fondamentalement encore à se poser franchement la question des finalités de l’enseignement de la philosophie dans ces séries.

L’effort se mesure toujours à l’obstacle : c’est bien parce que la distance de ces élèves à la culture scolaire, en particulier écrite, est plus importante qu’ailleurs, qu’il devient nécessaire d’inventer des manières différentes de travailler en philosophie. Mais les conditions d’exercice de notre métier dans ces classes nous permettent-elles encore d’y déployer une inventivité pédagogique ? Les difficultés des élèves nous poussent-elles à expérimenter, ou au contraire à nous replier sur une base assez schématique et même à revenir à des pratiques de gestion de classe assez classiques ?

Des journées d’étude ont été consacrée par l’ACIREPh à cette question en 2001 puis en 2010. Pourtant le problème demeure, c’est pourquoi il est essentiel pour notre association de remettre l’ouvrage sur le métier, en articulant ces nouvelles journées d’étude autour de trois axes :

Partage de pratiques de classe
D’abord, elles seront l’occasion de partager nos pratiques et nos questionnements quant aux exercices, activités ou dispositifs, méthodes de travail avec lesquels nous œuvrons en classe. Il s’agira d’analyser ce que nous avons tenté, avec ou sans succès, pour permettre aux élèves de se confronter aux exigences de notre enseignement. En particulier, nous nous interrogerons sur la relation complexe (indifférence, tension, complémentarité, etc.) qui existe entre ces pratiques et les attentes institutionnelles. Comment la place donnée aux exercices modifie-t-elle notre enseignement ? Permettent-ils aux élèves de progresser ?

Diagnostic lucide
Ensuite, elles permettront de travailler à l’établissement d’un diagnostic lucide qui prend au sérieux les exigences et les difficultés de la démocratisation de l’enseignement de la philosophie. Il s’agira de trouver la ligne de crête entre la déploration impuissante, parfois teintée d’un élitisme plus ou moins assumé, et le volontarisme naïf qui occulte les résistances qu’opposent les conditions réelles d’exercice.

Revendications
Enfin, il s’agira de formuler des analyses et des revendications précises, en particulier du point de vue des finalités de l’enseignement de la philosophie dans ces séries. Que faut-il en attendre ? Comment le concevoir ? Sur quelles bases élaborer des programmes qui, tout en restant intellectuellement exigeants, fassent droit aux spécificités de ces classes et ne consistent pas qu’en programmes de série générale allégés ?

NB : Ces journées sont déclarées comme stage de formation syndicale, cette année en partenariat avec SUD Éducation.
La formation sur le temps de travail est un droit pour tous les personnels de l’Éducation nationale, syndiqués ou non. Il suffit d’adresser à votre Rectorat une demande de congé pour formation syndicale AVANT LE 9 OCTOBRE 2023 (modèle de lettre téléchargeable ci-dessous).

PROGRAMME

(en cours d’élaboration)

JEUDI 9 NOVEMBRE 2023

9H – Accueil

9H30 – Allocution d’ouverture. Présentation des journées

10h – 12H – Conférence-débat : Élisabeth BAUTIER, Professeure de sciences de l’éducation (Université Paris 8, ESCOL) : Usages différenciés du langage, pratiques de classe et apprentissages scolaires

14H – 15H45 – ATELIERS au choix

16H – 17H45 – ATELIERS au choix

VENDREDI 10 NOVEMBRE 2023

8H30 – Accueil

9H - 10H – Table ronde : Quelles ressources institutionnelles pour enseigner en « techno » ?

10H – 12H – ATELIER COLLECTIF sur les difficultés de notre enseignement en voie technologique

14H – 16H – ATELIERS au choix

16H – 17H30 – Mise en commun et bilan des journées


ATELIERS
animés par des professeur⋅e⋅s de philosophie

► Analyse d’une séquence vidéo d’un débat en classe : pourquoi, comment et quoi observer ?

► Expliciter les exigences pour travailler la méthode : « vendre la mèche » pour combattre les inégalités d’apprentissage.

► Apprendre à mieux lire et mieux rédiger : tour d’horizon des recherches en sciences cognitives de l’éducation et exemples d’activités dans nos classes.

► Philosopher sur l’urbanisme et l’architecture : animer un atelier de philosophie de la ville en STI2D

► Les élèves des séries technologiques sont-ils "empêchés de penser" ? Proposition d’une transposition pédagogique des analyses de Serge Boimare sur le pouvoir des mythes.

► Les inégalités filles-garçons dans la prise de parole en séries techno : peut-on y remédier ?

► Une démarche d’Instruction au sosie en classe technologique.

► Émancipation et égalité des intelligences : le défi de la pédagogie Freinet en classe technologique.

► "Faut-il toujours dire la vérité ?" : présentation d’une séquence de début d’année visant à introduire à la construction de l’argumentation philosophique.

► Analyser ses difficultés : un Groupe d’Entraînement à l’Analyse de Situations Éducatives

► "Justi-fight" : un jeu pour travailler l’argumentation à partir de l’analyse des concepts

LES INSCRIPTIONS SONT DÉSORMAIS CLOSES